Le blog de Yann Paraz

       

            Mat', dès mon inscription sur skipass, je regardais tes topics avec les yeux d'un enfant qui admire ce que font les "grands". Tes photos aurait émerveillés n'importe qui. Tu montrais toujours la montagne comme elle  était, tantôt gavée de poudre, tantôt de la bonne soupe. Tu ne te plaignais jamais et prenais toujours ce que la montagne pouvais t'offrir.
Tes sujets me faisaient rêver...

Et puis au milieu de l'hiver 2006-2007, en plein dans mon année sabbatique, c'est toi qui m'a contacté. Un petit message sur skipass, un coup de tel. et voila que le  9 février nous nous retrouvons à Venosc pour profiter de la neige tombée pendant la nuit.

Je me souviens avoir été impressioné par ta vitesse  en ski. Je sur-skiais pour ne pas me faire larguer... Mais tu me lâchais quand même... Tu n'as économisé aucun de tes itinéraires, tous meilleurs les uns que les autres.
Quelques photos et quelques images qui bougent plus tard nous redescendons dans la télécabine de Venosc. Moi fourbu comme jamais, toi appelant déjà le bulletin météo france pour le lendemain et regardant tes photos du jour : "Merde, j'ai coupé le ciel!" "C'est quoi cette ombre?" "J'ai foiré l'expo!"
Finalement, ce n'était pas si mal : [09 fév. 07]Le début d'un p'tit quelque chose en Oisans ?

J'étais très disponible, tu l'étais aussi. Tout naturellement, on a remis ça un bon paquet de fois. Tantôt dans le vallon secret, tantôt au pays magique, une fois du côté obscur et même un peu plus loin parce que la neige y'était :
[27 fév. 07]Le mardi en Oisans..
[08 mars 07]Oisans, pourquoi changer ?
[09 mars 07]Mêmes ingrédients, même recette..
[23 mars 07]Changement de crémerie..n
[24 mars 07]Retour au bercail..
[01 avril 07]Classique..
[05-07 avril 07]Parce qu'elle le vaut bien..
[16 -> 22 Avril 07]Oisans , début d'une fin de saison ?
[07 mai 07]En mai, fais ce qu'il te plaît..

Après, il a fallu faire valoir notre statut de bipède et aller chercher les pentes à grand coup de peaux de phoque. Et là, tu m'as impressioné encore une fois... Du matos pas vraiment "light" mais plutôt hyper lourd. En chier à la monté avec des enclumes aux pieds? "Pas grave, tant que le rapport monté/descente le vaut !"
En cet fin de saison, la chasse aux pentes est ouverte! Man est à la baguette et confirme des terrains encore bien pourvu.
Alors certes, c'était de la neige de névé, certes il fallait attendre un peu qu'elle décaille, certes le temps n'était pas toujours avec nous... Mais à chaque fois le bonheur de ce retrouver en montagne a était le même. Et même lorsque tu arrivais au sommet, parfois bon dernier avec 45mn de plus que moi, tu avais toujours se sourire et ses yeux pétillants que je n'oublierai jamais. L'appareil photo toujours à la main avec lequel tu shootais tout ce qui bougeait.
La saison de rando fut plus courte mais tout aussi intense :
[14 avril 07]Printemps au Burlan..
[30 avril 07]Oisans autrement..
[13 mai 07]Aux portes de l'Oisans..

Ton attachement à l'Oisans était au moins aussi fort que le mien. Mais un autre massif était également haut dans ton coeur, l'endroit le plus surfait de France Cham'. Parfois, on se chamaillait avec ce coin, je reconnaisais que l'endroit était ultra-alpin avec l'ambiance montagne peut être la plus belle du monde, mais le côté machine à fric me rebuté énormément. Et puis, je m'étais forgé mon opinion avec les "on dit", j'étais aussi un peu jaloux parce que Bourg d'Oisans ---> Cham' = 2h50 aller... Pour une journée de ski, ça fait beaucoup de bagnole à mon goût. Donc logiquement, pour ne pas regretter quelque chose d'exceptionel, on se persuade que ce n'est pas si bien qu'on le dit, on exagère les points négatifs.
Et puis, tu as commencé à parler de choses qui attire l'oreille : "Gervasutti à la tour ronde", "Gerva au tacul" "Cosmiques", "glacier rond"... Plus grand chose à voir avec la vallée blanche ou l'envers du plan...
Ces noms magiques résonnent encore et finalement, paf ! C'est parti pour un petit tour à l'autre gerva, celui de la tour ronde. Tu nous sors ton plus beau compte rendu sur skipass : [19 mai 07]Last but not least..

Et oui, ça y'est, tu es passé à ce que personnellement j'appelle "le cran au dessus". L'engagement est total, le niveau à ski permet de réellement "skier" ces pentes et non pas d'y "bricoler 10 000 virages". Rien ou plus grand chose à dire sur ta vision et ta pratique du ski, si ce n'est respect l'artiste.

Samedi 2 juin, on échange des mails, tu me parles de ton projet du lendemain : enchainer le couloir des cosmiques, l'itinéraires du glacier rond et peut être plus si affinité. Les conditions s'annoncent pas trop mal. Comme toujours, tu check les conditions partout sur le net. Certains l'ont fait ce samedi et visiblement c'était pas mal. Tu me proposes de venir, RDV à 5h45 à Grenoble... Je refuse par fainéantise. Même si je suis tenté, au mois de juin, perso, le ski c'est fini, sauf conditions exceptionelles. Ma passion du ski a une limite, inférieure à la tienne, peut être...
Dimanche 3 juin, toute la journée, je me dis que tu dois encore te gaver d'images et qu'on va avoir droit à un CR d'anthologie. 20h00, toujours pas de nouvelles... Rien de grave, il doit être sur la route... 21h30, message privée inquiétant de Vince sur skipass... Je cherches en panique les dépêches d'agence... 21h45 la nouvelle tombe, un skieur est mort à 11h dans le couloir des cosmiques. Pas la peine de chercher plus loin...

Vince, ton compagnon d'infortune, m'appel. Je veux comprendre. J'entends la détresse dans sa voix. Les conditions du couloir étaient délicates. L'antithèse des conditions de neige recherchées. Dans une traversée, un ski qui se bloque, faute de carre, la montagne n'a pas pardonné. Ce jour là, ça n'a pas voulu... Aucune raison de blâmer qui que se soit, quoi que ce soit...
De l'amertume? Oui, énormément. Pourquoi? Quand certains défis la montagne à multiple reprises, ils s'en sortent, parfois un peu cassés, mais s'en sortent. D'autres qui la respecte au plus haut point et qui mettent de nombreuses chance de leurs côté, se font prendre.

En montagne, il n'y a pas de jusitce. Ce n'est pas le bon endroit si on veut rester peinard en sécurité. Et pourtant, on est tellement bien là-haut... L'envie d'y retourner est à chaque fois plus grande... Pourquoi? Je me suis souvent posé la question. Dans les années 1920, un journaliste a demandé à George Mallory : "Pourquoi gravir les montagnes?" Il répondi  "Mais parce qu'elles sont là !". Tout est dit. La passion de la montagne ne s'explique pas vraiment. Peut être est-ce le fait de se sentir tout petit face à quelque chose d'imposant. Peut être est-ce la fierté que l'on éprouve quand on signe une face avec une belle trace. Peut être est-ce simplement le bonheur de partager une belle aventure avec ces potes. Finalement, peut être est-ce un peu de tout ça à la fois...

Mathieu, je garde de toi l'image d'un passioné, de quelqu'un de complètement désintéresser et qui n'attend pas grand chose en retour de ces efforts en montagne. C'est toi qui m'a donné l'idée de me mettre sérieusement à la photo. Tu m'as conforté dans l'idée qu'il faut partager la montagne, sans arrière pensée de savoir si c'est un secret spot ou non. Que nous ne sommes tous finalemement que de fragiles utilisateurs de la montagnes.

Mathieu, si le paradis existe, je te souhaite qu'il soit couvert de blanc et que tu traces de grandes courbes à mach 12 avec tes skis roses, sans penser à ce bas monde.

Merci pour tout ce que tu m'as appris.

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